La majorité des femmes n’a pas de suivi gynécologique
L’enjeu en 3 chiffres clés
D’après une étude menée par l’Ifop pour l’entreprise Qare en janvier 2022
Pourtant, l’ARS recommande d’être suivi une fois par an (ou plus fréquemment dans le cas de pathologie). En effet, les consultations gynécologiques permettent d’accompagner les patientes dans le choix de la contraception, dans la sexualité, le désir de grossesse, le dépistage des IST (infections sexuellement transmissibles) mais aussi des cancers du col de l’utérus et du sein, etc.
Ce manque de suivi à un impact direct sur la prise en charge de certaines pathologies. Par exemple, il y a un délai de 7 ans pour diagnostiquer l’endométriose ou de 2 ans pour le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).
D’après Qu’est-ce que l’endométriose ?,
mise à jour le 05.10.23 par le Ministère de la Santé et de la Prévention
D'après le témoignages de patientes pour le SOPK
Mais alors pourquoi les femmes ne sont pas suivies en France ?
Une offre de soin lacunaire qui ne répond pas aux besoins des patientes
Le suivi gynécologique des femmes peut être assuré par trois types de professionnels de santé :
- les gynécologues (obstétriciens et médicales)
- les sages-femmes
- les médecins généralistes
Mais il y a une pénurie pérenne de gynécologue médical
Chiffres d’après les Atlas de l’Ordre des médecins, Approche territoriale des spécialités médicales et chirurgicales au 1er janvier 2023
La gynécologie médicale et obstétrique sont deux spécialités distinctes. La première soigne la femme de la puberté à la ménopause et l'autre soigne la femme enceinte. C’est en général le gynécologue médical qui va prendre en charge les pathologies gynécologiques, suivre la fertilité ou encore dépister les cancers. Cependant, cette spécialité peu populaire auprès des étudiants de médecine a été supprimée pendant plus de 16 ans (de 1984 à 2003). Pourtant, d’après la fédération nationale des collèges de gynécologie médicale :
“Le gynécologue médical : un acteur indispensable pour la santé des femmes.”
Par conséquent, les chiffres sont alarmants :
Chiffres d’après les Atlas de l’Ordre des médecins, Approche territoriale des spécialités médicales et chirurgicales au 1er janvier 2023
Mais surtout, ce manque est pérun car cette spécialité a un solde entrants / sortants déficitaire (-598 entre 2010 et 2021 pour la spécialité gynécologie médicale et -992 entre 2010 et 2021 pour la spécialité gynécologie médicale et obstétrique). Aussi, plus de la moitié de ces spécialistes ont plus de 60 ans.
Chiffres d’après les Atlas de l’Ordre des médecins au 1er janvier 2023
Autrement dit, les nouvelles générations de gynécologues médicales ne vont pas compenser le manque actuel.
Pour conclure, en France, on compte pour chaque spécialité :
- 673 gynécologues médicaux
- 261 gynécologues médicaux et obstétriciens
- 3 427 gynécologues obstétriciens
D’après l’annuaire Ameli qui ne compte que les professionnels de santé actifs, en septembre 2023
Et même, s’il y a près de 3 fois plus de gynécologues obstétriciens, ces effectifs ne sont malheureusement pas suffisant pour soigner toutes les françaises. En effet, les temps d’attente sont très importants (toutes spécialités confondues):
D’après le numéro 1085 d’Etudes et Résultats de la DRESS, La moitié des rendez-vous sont obtenus en 2 jours chez le généraliste, en 52 jours chez l’ophtalmologiste, en octobre 2018
Le métier de sages-femmes est méconnu
D’après notre enquête sur le suivi gynécologique menée en 2021, environ 200 répondantes
Pourtant, les sages-femmes sont des expertes du corps de la femme et peuvent les accompagner en dehors du suivi de grossesse. Elles ont un rôle clé dans le dépistage et la prévention, ainsi elles peuvent :
Ce métier en perpétuelle évolution répond à l’Ordre des Sages Femmes qui s’était engagé en 2009 à élargir le champ des compétences des sages-femmes. Par exemple, le 26 avril 2021, une loi visant à améliorer le système de santé pour la confiance et la simplification permet aux sages-femmes de réaliser les actes suivants :
- Dépistage et traitement des IST des femmes et de leurs partenaires
- Orientation vers les médecins spécialistes sans passage par le médecin traitant
D’après le rapport L’évolution de la profession de sage-femme de l’lgas, 2021
NB : les sages-femmes sont nombreuses → 7 914 !
D’après l’annuaire Ameli qui ne compte que les professionnels de santé actifs, en septembre 2023
Les médecins généralistes ne sont pas tous spécialistes
D’après le numéro 0977 d’Etudes et Résultats de la DRESS, Attitudes et pratiques des médecins généralistes dans le cadre du suivi de la grossesse, publié en Octobre 2016
En pratique, la formation initiale en médecine générale couvre un large éventail de domaines, dont la gynécologie. Ainsi, tous les médecins généralistes reçoivent un enseignement de base sur la gynécologie. Et, conscients de la pénurie de gynécologues, nombre d’entre eux choisissent de suivre des formations complémentaires en gynécologie pour mieux répondre aux besoins de leurs patients. Certains médecins généralistes choisissent même de se spécialiser en gynécologie uniquement.
On a enquêté pour avoir des chiffres plus récents, et on a trouvé 44 médecins généralistes ayant un DU (diplôme universitaire) en gynécologie en 2023, soit 0,04% des médecins généralistes…
D’après l’annuaire RPPS qui référence les professionnels de santé diplômés, en septembre 2023
Les patientes se désintéressent de leur santé
Les femmes s’oublient pour s’occuper de la santé de leur famille
Selon Qare, solution de téléconsultation médicale en France, le manque de médecins spécialisés n’est pas la seule cause du renoncement au soin. Le problème est également sociologique. Les femmes minimisent souvent leurs problèmes de santé et s’occupent plutôt de la santé de leur famille.
“Un emploi du temps perso et pro trop rempli, qui ne leur laisse pas le temps de se rendre chez le gynécologue”
D’après Le renoncement aux soins gynécologiques en France, étude réalisée par Qare et l’institut de sondage Ifop, mis à jour le 18 janvier 2022
Ce problème est confirmé par les chiffres récents partagés par Doctolib sur France Inter le 8 mars 2023 :
D’après Sur Doctolib, 85% des rendez-vous médicaux pris pour des enfants sont réservés… par les mères, article par Victor Dhollande, publié le 8 mars 2023 sur France Inter
Un manque de confiance envers les soignants
Le sujet des violences gynécologiques et obstétricales sont maitenant connues du grand public créant une crainte chez les patientes.
Le Haut Conseil dresse une typologie de 6 types d’actes sexistes relatifs au suivi gynécologique et obstétrical détaillés ci-après :
- Non prise en compte de la gêne de la patiente, liée au caractère intime de la consultation ;
- Propos porteurs de jugements sur la sexualité, la tenue, le poids qui renvoient à des injonctions sexistes ;
- Injures sexistes ;
- Actes (intervention médicale, prescription, etc.) exercés sans recueillir le consentement ou sans respecter le choix ou la parole de la patiente ;
- Actes ou refus d’acte non justifiés médicalement ;
- Violences sexuelles : harcèlement sexuel, agression sexuelle et viol. (3,4% des plaintes déposées auprès des instances disciplinaires de l’Ordre des médecins en 2016 concernent des agressions sexuelles et des viols commis par des médecins) Cette typologie se base sur les témoignages recensés sur les réseaux sociaux, dans les médias et les publications récentes sur le sujet.
D’après le rapport Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical, par le haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes voté le 26 juin 2018
Quelles sont les solutions pour les patientes ?
Se diriger directement vers des soignants recommandés et experts
Les soignants de notre annuaire sont tous recommandés par des patientes ou des associations engagées. Pour en savoir plus, cliquez ici.
Pour trouver le soignant qui vous correspond, n’hésitez pas à utiliser nos filtres →
Sur UMI, nous nous efforçons de vous fournir le maximum d’informations sur chaque soignant. Si toutefois vous ne trouvez pas le soignant qui vous correspond dans notre annuaire, nous vous encourageons à vous renseigner sur ses diplômes et ses formations (via le répertoire RPPS (annuaire officiel des médecins) ou Doctolib).
N’hésitez pas aussi à en parler directement avec votre soignant !
Ne pas hésiter à se tourner vers les sages-femmes
Comme pu précédemment, les sages-femmes sont des expertes de santé de la femme et ont les compétences pour réaliser votre suivi gynécologique. Vous pouvez retrouver les recommandations de notre communauté ici.
Limiter les lapins
D’après le communiqué commun de l’Académie nationale de médecine et du Conseil national de l’Ordre des Médecins, Rendez-vous non honorés, publié le 27 janvier 2023
La vie peut être imprévisible et il arrive qu’on ne soit plus en mesure d’honorer un rendez-vous. Mais pensez bien à prévenir le soignant afin qu’il puisse s’occuper d’autres patientes 🤍
Autres sources de cet article
- Les pratiques des professionnels de santé assurant le suivi gynécologique en Pays de la Loire, Emmanuelle Bataille, Hortense Paquier, Pascal Artarit, Anicet Chaslerie, Thomas Hérault, Dans Santé Publique 2022/2 (Vol. 34), pages 207 à 217 (lien)
- ATLAS DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE EN FRANCE, Ordre des médecins, 1er Janvier 2023 (lien)
- Qui choisir pour son suivi gynéco ?, par la rédaction d’Allo Docteurs, mis à jour en 2018 (lien)
- SUIVI GYNÉCOLOGIQUE ET CONTRACEPTION, Ordre des sages-femmes (lien)
- Pénurie de gynécologues : les généralistes peuvent gérer la majorité des problèmes, Par Dr Eric Du Perret sur le site Pourquoi docteur? mis à jour en 2018 (lien)