Le cycle menstruel change notre cerveau ?
Publiée le 5 octobre 2023 dans la revue Nature Mental Health, “L'IRM 7T à ultra-haut champ révèle des changements dans le volume du lobe temporal médian humain chez les femmes adultes au cours du cycle menstruel” est la première étude sur ce sujet publiée dans une des plus prestigieuses revues scientifiques. C’est aussi la première à avoir utilisé un IRM aussi puissant pour observer les changements du cerveau pendant non pas 4 mais 6 étapes du cycle menstruel !
Comment s’est déroulée cette étude ?
Cette étude a été conduite par la docteure Rachel Zsido et la professeure Julia Sacher, neuro-scientifiques de l’institut Max Planck en Allemagne.
L’objectif de cette étude était d’examiner des changements cérébraux au cours du cycle menstruel, soit avec différentes variations d'hormones ovariennes. Les participantes de l’étude sont 27 femmes qui ne prennent pas de contraception hormonale et qui ont des cycles réguliers. Elles ont suivi leurs cycles de façon précise sur un mois entier avant de démarrer l’étude. Par exemple, la période d’ovulation des participantes a été déterminée grâce à des échographies vaginales et à des tests urinaires. Cela a permis d’identifier six différentes phases de leurs cycles :
- menstruelle (règles)
- préovulatoire (≤ 2 jours avant l’ovulation)
- ovulatoire (≤ 24h d’ovulation)
- post-ovulatoire (≤ 2 jours après l’ovulation)
- mi-lutéale (6 à 8 jours après l’ovulation)
- prémenstruelle (≤ 3 jours avant le début des prochaines règles)
Lors de chacune de ces phases, les participantes ont passé des IRM cérébrales à ultra haut champ, pour obtenir des “photos” très précises des volumes de leurs cerveaux. Les taux de progestérone et œstrogène ont aussi été mesurés à chaque IRM. Cela permet de pouvoir vérifier que les changements cérébraux sont bel et bien liés aux fluctuations hormonales du cycle menstruel !
Étant donné les résultats d’études précédentes (un article récapitulatif de ces études sortira dans les semaines qui viennent), les chercheuses ont examiné les volumes du lobe temporal du cerveau, en particulier l’hippocampe.
Quels sont les résultats ?
L’étude a montré que les fluctuations d’œstrogène et progestérone sont liées à des changements de volume de différentes sous-régions de l’hippocampe et autres structures du lobe temporal médian.
On peut retenir trois observations :
- une augmentation du taux d’œstrogène est liée à un élargissement d’une région impliquée dans la mémoire spatiale ;
- une élévation en progestérone est associée à une augmentation de structures précédemment associées au déclin cognitif dû à l’âge, et aux premiers symptômes de démence comme Alzheimer ;
- un taux élevé d'œstrogène combiné à un taux bas de progestérone est lié à un élargissement d'une aire cérébrale ayant un rôle dans l'intégration de la mémoire.
En résumé, ces résultats montrent que l'œstrogène et la progestérone peuvent modifier les volumes de régions cérébrales liées à la mémoire, et impliquées dans le déclin cognitif (perte de mémoire, de raisonnement, etc.) normal et aussi pathologique.
Quelles sont les implications pour la santé de la femme ?
Cette étude permet de démontrer de façon rigoureuse, que le cerveau des femmes change et se remodèle rapidement le long du cycle menstruel. Si l’on savait que le cerveau se restructurait spontanément lors d’importantes étapes du développement (adolescence, maternité, etc.), on était loin de se douter des aptitudes du cerveau à se modifier en quelques semaines !
Cette capacité de notre cerveau à se remodeler est appelée plasticité cérébrale. En particulier, les régions du cerveau qui se remodèlent au gré des fluctuations d’hormones ovariennes (l’hippocampe et ses voisins), sont impliquées dans la mémoire, et notamment dans les démences accompagnées d’une perte de mémoire comme la maladie d’Alzheimer. 60 à 70 % des personnes atteintes d’Alzheimer étant des femmes, les effets des hormones ovariennes sur la plasticité de l’hippocampe représentent une potentielle piste pour mieux comprendre pourquoi cette maladie atteint plus les femmes.
Quelles sont les limites de cette étude ?
Cette étude appelle d’autres recherches pour confirmer les résultats, car l’échantillon étudié (ce ne sont que des femmes avec des cycles réguliers) est très restreint et ne représente donc pas toutes les femmes. De plus, il aurait été intéressant de comparer avec les cerveaux de femmes qui sont sous contraception hormonale (fluctuations d’hormones ovariennes fixées).